D’inspiration politique et religieuse, la guerre de Trente Ans, qui divisa l’Europe de 1618 à 1648, avec d’un côté l’Empereur germanique secondé par la Sainte Ligue et l’Espagne, et de l’autre les Princes protestants d’Allemagne appuyés par plusieurs pays européens et scandinaves aiguillonnés par Richelieu, est restée tristement célèbre dans nos régions à cause des effroyables ravages qu’elle a occasionnés.
En Lorraine
Le duché de Lorraine, qui connaît une période de paix et de prospérité au début du XVIIème siècle, est théoriquement neutre, mais les menées du nouveau duc Charles IV, qui finit par se tourner vers l’Empereur, sont un bon prétexte pour provoquer le déferlement de hordes de Suédois, Tchèques, Croates et autres sur ses terres. La nationalité n’a du reste que peu d’importance, s’agissant dans la plupart des cas de mercenaires, qui se déplacent quelquefois avec leurs familles, et qui n’hésitent pas à mettre les campagnes à feu et à sang. En 1635-1636, les pires années, il n’y a quasiment plus aucun paysan dans les villages : ils ont fui vers les villes ou les forêts, à la recherche d’une hypothétique protection. A cela s’ajoutent une épidémie de peste, certes déjà présente avant la guerre mais considérablement aggravée par elle, et la famine, que les pillages, l’abandon des terres et l’interruption du commerce rendent de plus en plus intolérable.
Les seigneurs lorrains guerroyant ailleurs à la suite de Charles IV, plus occupé par les intrigues que par son duché et Richelieu n’intervenant pas directement, personne ne semble à même d’arrêter cette barbarie, dont les conséquences peuvent se résumer par quelques faits et chiffres éloquents : Metz passe de 19000 habitants en 1636 à 3000 en 1643 ; il faudra plus d’un siècle à la Lorraine pour retrouver son niveau de population de 1618 ; des dizaines de villages sont définitivement rayés de la carte et ne seront plus jamais reconstruits.
Dans le pays de la Canner
La région de Thionville jusqu’à Bouzonville et Boulay a largement payé son écot à ce fléau.
En 1635, Luttange, théâtre d’une farouche bataille entre un détachement envoyé de Metz et des soldats du parti luxembourgeois, voit fuir ses habitants. A peine reconstruit, le village est à nouveau entièrement brûlé 3 ans plus tard : il lui faudra beaucoup d’années pour s’en remettre. Les villages avoisinants, GAVANGE (rasé en 1631), REXANGE et TERLANGE (situé entre Luttange et Metzeresche) ont moins de chance : ils ne reverront plus jamais le jour.
Il en est de même d’HECKLING, près de Metzervisse, de SCHIFFLING, près d’Elzange, ainsi que, sur le ban d’Inglange, de NERDORF, village appartenant à Basse-Ham, construit sur un site gallo-romain et attesté à la fin du Moyen Age. HASTROFF, complètement anéanti, sera réduit à une seule ferme jusqu’au début du XIXème siècle. Du reste, le forfait est signé : on a retrouvé bon nombre de pièces de monnaie suédoises aux alentours d’Inglange.
Plus loin, entre Koenigsmacker et la Moselle, se dressait, attesté dès 939, le petit hameau de DANHEIM (ou Dodenhoven), en réalité une grosse ferme de 8 maisons et 35 habitants. Les troupes suédoises du duc de Saxe-Weimar massacrent les personnes et réduisent les habitations en cendres ; le seul vestige se trouve encore aujourd’hui dans la cour du presbytère de Koenigsmacker, c’est la croix de Dodenhoven, datée de 1609 et portant le nom des derniers métayers du lieu : Johannes Terver et Elisabeth Kauffmann.
Dans le même ordre d’idées, la peur de la guerre et la menace persistante de la peste, ont provoqué, au début du XVIIème siècle, l’érection de nombreux « bildstocks », signes d’une intense piété en cette période perturbée.