La forêt était la ressource essentielle de certaines communes, souvent des paroisses pauvres, qui avaient peu de bonnes terres cultivables. C’était le cas de Buding, d’Elzing ou de Klang qui sont encore aujourd’hui parmi les communes les plus boisées.
(Extraits du PAE du Collège de Kédange : « Bicentenaire de la Révolution » – 1989)
A la veille de la Révolution, les forêts de la région étaient rarement comme aujourd’hui, la propriété d’une commune ou de l’Etat mais plutôt le bien de riches particuliers ou de communautés religieuses qui en gardaient jalousement les revenus. Aussi, les habitants de communes forestières, particulièrement pauvres, se plaignaient souvent de ne pouvoir mieux disposer des bois environnants. « Les faibles portions se trouvent payées plus cher que si nous achetions le bois » (cahier de doléances de Buding*).
La forêt était pour son propriétaire une source de revenus importants et divers. L’un des plus importants provenait du négoce et même de l’exportation des bois. « Surtout ceux qui se trouvent à proximité desdites rivières de Moselle et de Sarre, qui voiturent nos bois et charbons quelconques sur les pays de Luxembourg, de Trèves, même en Hollande » (cahier de Monneren).
De plus, l’usage de la forêt et son exploitation étaient l’objet de taxations diverses qui bénéficiaient au clergé, à l’Etat et à ses agents. « Mais les frais qu’opèrent les martelages, visites et recouvrement enlèvent la moitié de la coupe, et nous sommes donc obligés de nous cotiser pour payer les frais […] et la dixième partie du prix en provenant accordée franche aux communautés de religieuses rentées et sans besoins.[…] Nous sommes assujettis à ces acquits (de prévôté de Sierck) tant pour les bois de chauffage et autres marchandises » (cahier de Buding). La taxation prenait même l’aspect d’une corvée obligatoire pour les laboureurs de nombreuses communes. « Il est bien dur de voir qu’on force les laboureurs de faire des corvées pour l’Etat-major de Thionville pour son bois, qu’il achète fort souvent à 2 ou 3 lieues éloigné de Thionville, dont il ne paye que 5 ou 6 sols par voiture » (cahier d’Elzange).
Mais l’institution la plus unanimement critiquée était la maîtrise des eaux et forêts. Elle était constituée d’agents de l’Etat chargés de l’administration des forêts et de la justice relative aux délits commis dans les bois. « Nous supplions Sa Majesté de modérer les droits de maîtrise et de ne point permettre qu’on fasse des rapports contre les habitants et propriétaires, sinon contre ceux que les gardes trouveront en flagrant délit (cahier d’Elzing) … de faire cesser les vexations des amendes arbitraires que (les maîtrises) prononcent sur le rapport des gardes des bois » (cahier de Luttange).
Les officiers de l’administration des forêts étaient accusés d’être tracassiers et excessifs dans leurs condamnations. Les paroissiens auraient encore préféré dépendre de la justice seigneuriale ! Ajoutons à ce sombre tableau, la mauvaise qualité des agents de terrain (bangardes, forestiers et pauliers) qui se montraient souvent malhonnêtes. « Abus à reformer sur les coursiers, sur les gardes des bois, qui à raison de leur charge volent impunément le public » (cahier de Metzervisse).
La forêt est donc souvent source de tracasseries pour les populations défavorisées. Néanmoins, elles ne peuvent s’en passer car la forêt leur procure le travail, les moyens de survivre, et les matériaux de construction…
*Les cahiers de doléances sont des documents rédigés dans chaque commune au printemps 1789, à la demande du roi Louis XVI qui convoqua les Etats Généraux afin de résoudre la crise financière (en 1788, les caisses de l’Etat sont vides).