Figure illustre de Kœnigsmacker, membre de l’Institut de France et Directeur des Hautes Etudes à la Sorbonne en 1908, savant de renommée mondiale, le Père Vincent SCHEIL voit le jour à Kœnigsmacker le 10 juin 1858.
Sa double vocation, religieuse et scientifique, apparaît dès son plus jeune âge : après de brillantes études au collège de Sierck et au Grand Séminaire de Metz, il poursuit des études théologiques, d’abord à Belmonte en Espagne, en 1881, puis à Volders au Tyrol, pour devenir lecteur de théologie au couvent Saint Jacques de Paris.
L’année 1887 marque un tournant dans sa carrière : il s’inscrit aux cours d’égyptologie et d’assyriologie de l’école des Hautes Etudes, où il se fait remarquer par son intelligence vive et ses progrès fulgurants : dès ses années d’études, il rédige des publications érudites.
Dès lors commence une série de missions scientifiques qui le rendent célèbre : en 1890, il est nommé à la Mission archéologique française du Caire et il séjourne longuement dans la fameuse nécropole de Thèbes ; en 1892, le gouvernement turc fait appel à lui pour diriger le département des antiquités ottomanes ; de 1900 à 1902, il participe aux fouilles de Babylone : la découverte et la traduction des inscriptions de la stèle d’Hammurabi le font entrer définitivement dans l’Histoire, et jusqu’à sa mort, il sera en contact avec les plus grands savants du monde.
Cette renommée, indiscutable et méritée, n’est quelquefois pas exempte d’embûches. A une époque où les rapports entre l’Eglise et l’Etat étaient très tendus, le Père Scheil se voit refuser, contre toute attente, et sous le prétexte mesquin d’un contresens dans une traduction, la chaire d’assyriologie au Collège de France, au profit d’un de ses élèves. Parmi ses défenseurs se trouve l’illustre chimiste Marcelin Berthelot, qui écrit :
« M. Bienvenu-Martin a eu certainement la main forcée par des gens que la robe de dominicain du Père Scheil effrayait et gênait, et il a donné la chaire d’assyriologie à un homme, certes de grande valeur, mais dont la science, à mon avis, est loin d’atteindre celle du Père Scheil. […] En tout cas, qu’il [le Père Scheil] soit persuadé de posséder l’estime et l’admiration de tous les vrais savants. »
La gloire de l’érudit, aussi grande fût-elle, ne saurait néanmoins masquer les qualités de l’homme.
Celles du religieux d’abord. Les travaux qu’il a menés et qui lui prenaient beaucoup de temps ne l’ont jamais éloigné de la foi sincère et ardente de son enfance, héritée d’une famille très attachée à la religion chrétienne. Ayant choisi comme devise « Angulari lapide Christo » (pierre angulaire pour le Christ), il est la fierté de l’ordre de Saint Dominique, auquel il reste fidèle toute sa vie.Lors de la cérémonie des insignes de Maître en théologie, qui lui sont remis en février 1914, l’orateur parle de « granit lorrain » pour marquer la solidité de son engagement religieux.
Celles du frère ensuite. Il a toujours été très lié à son aîné, Nicolas Sébastien, né en 1853, ordonné prêtre en 1880 et envoyé dans la mission de Mossoul. Le Père Sébastien, malgré la charge éprouvante de son ministère religieux, trouve le temps de seconder son frère Vincent dans ses travaux archéologiques et ce dernier le recueille chez lui, quand il est obligé de quitter l’Orient, malade et fatigué, lors du premier conflit mondial.
A sa mort, à Paris, le 21 septembre 1940, le Très Révérend Père SCHEIL sera enterré aux côtés de son frère, au cimetière des Sœurs Dominicaines de Chatillon-sous-Bagneux.
« Le Père Scheil reconstitue les annales du monde »
Cette phrase se trouve dans un article signé « Assour », paru dans le supplément au N° 1 de la revue « L’Austrasie » en 1905. Cet article évoque l’exposition, dans un pavillon du Louvre, des fabuleuses trouvailles archéologiques réalisées sur le territoire de Suse, en Perse. Et le directeur de ces recherches, M. de Morgan y reconnaît sa dette envers « un enfant du pays lorrain, originaire de Kœnigsmacker », qui a réussi dans la difficile tâche de « linguiste capable de déchiffrer les objets que l’expédition déterrait ».
C’est effectivement le Père Scheil qui arrive à traduire les inscriptions cunéiformes de la stèle d’Hammurabi. Ce roi puissant de Babylone fonde un véritable empire au XVIIIème siècle avant Jésus Christ – il est contemporain d’Abraham ! -, et fait graver les lois sur une stèle de diorite (pierre noire très dure) : c’est, ni plus ni moins, un des tout premiers codes écrits que connaisse l’humanité ! Cette trouvaille et cette traduction font faire un bond prodigieux à l’assyriologie, science nouvellement créée au XIXème siècle.
Ecoutons encore M. de Morgan nous parler du Père Scheil, dans son ouvrage « Histoire et travaux de la délégation en Perse, 1897-1905 » :
« Il me fallait un assyriologue jeune, énergique, un bon linguiste capable de s’attaquer avec succès à des langues encore inconnues […]. Mon choix s’arrêta sur V. Scheil […]. Mon choix ne pouvait être meilleur et les faits l’ont montré. Avec une activité dévorante, il se mit à l’œuvre dès mes premières découvertes, déchiffrant avec une extrême rapidité les textes cursifs écrits sur l’argile, inscriptions, qui, comme on le sait, sont de lecture si ardue que de vieux professeurs, blanchis dans l’enseignement de l’assyrien, ne s’en tirent parfois qu’à leur grande confusion.
L’A.N.P.V.C entretient un partenariat actif avec l’Association des Amis du Père Scheil http://www.lesamisduperescheil.fr