Situé en hauteur entre les vallées de la Bibiche et de la Canner, le village de Luttange est visible de loin, à cause notamment de la flèche de son église et de la masse imposante de son château. C’est autour de ce dernier que s’ordonne pour une grande part l’histoire de la localité.
Par sa position élevée, Luttange apparaît très tôt comme un lieu stratégique de premier ordre : ce n’est pas un hasard si la voie romaine Metz-Trèves passe non loin de là, à Mancy, en direction de Metzeresche, et si le village a été très rapidement un enjeu de pouvoir entre les Evêques de Metz et les comtes de Luxembourg. Y existait-il un « château-motte », c’est-à-dire une construction de terre et de bois édifiée sur un monticule, dès le Xème siècle, comme il en existait beaucoup à l’époque ? C’est possible. Toujours est-il que l’histoire du château actuel commence au XIVème siècle et appartient à la famille des « Luttange », dont les possessions s’étendaient jusqu’à Guénange et Rurange en passant par Vinsberg ; la seigneurie avait été donnée en fief par les Evêques de Metz à la Maison de Luxembourg. Il semble que plusieurs membres de cette famille aient été relativement belliqueux : en 1325, leurs gens agressent et font prisonniers des Messins qui revenaient d’Hespérange ; en 1366, Geoffroy de Luttange, un chevalier-pillard, fut arrêté et décapité devant la cathédrale de Metz…
A cette époque, avec son donjon et 3 autres tours, la bâtisse ressemble parfaitement à un château médiéval : les murs épais et un impressionnant dispositif de meurtrières à l’entrée de la tour carrée en font un exemple particulièrement significatif d’architecture défensive de l’époque. Mais elle va évoluer au fil des ans. Au XVème siècle, la famille de Perpignant prend le relai des « Luttange » et fait édifier une tour ovale devant le donjon. Après être passé entre plusieurs mains, le château va devenir à partir du XVIIème siècle la co-propriété des familles de Cabannes et d’Attel. Au XVIIIème siècle, un deuxième mur de façade est élevé sur les douves pour doubler l’ancienne courtine nord et les pièces, rendues plus fonctionnelles, sont partagées entre les deux familles, la famille Cabannes sur le devant et la famille d’Attel dans l’aile est. L’aveu et dénombrement fait par Augustin de Cabannes au nom des co-seigneurs au début du siècle peut nous donner une vague idée du lieu :
« […] nous avons à Luttange un château, auquel il y a cinq tours, dans deux desquelles il y a deux colombiers, entourés de fossés avec la basse-cour dans laquelle il y a maisons et écuries et granges partie bâtie partie en ruines, et plusieurs jardins potagers et vergers derrière et adossés audit château […] »
Le château eut la chance de traverser sans trop de dégâts de sévères secousses historiques. En 1635, en pleine guerre de Trente Ans, il fut le théâtre de violents combats, pris et repris par les belligérants, alors même que le village fut presqu’entièrement brûlé ; sous la Révolution, à un moment où les châteaux étaient autant de symboles à détruire, il résista à la tourmente, sans doute parce que quelques éléments de la famille de Cabannes s’étaient signalés comme d’ardents défenseurs des idées nouvelles. Néanmoins, il dépérit peu à peu pour se retrouver à l’état de quasi ruine à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il ne reste plus qu’à souhaiter que le travail opiniâtre, commencé en 1966 par un groupe de bénévoles motivés et qui continue encore, puisse lui redonner le lustre qu’il mérite.