Nous n'avons pas d"enclots" comme en Bretagne mais nous avons des "Bildstocks". Ces curieux petits édicules sont une curiosité de notre région et tout particulièrement de l'arrière pays thionvillois. La vallée de la Canner en possède quelques beaux spécimens.
Le terme « bildstock » est d’origine germanique, « stock » signifiant « bâton » et « bild » « image ». Constitué d’un socle, d’un fût de 1,50 à 2 mètres et d’un dé de pierre, creusé de niches susceptibles de recevoir des statuettes en haut ou bas relief et surmonté d’une bâtière, le monument ressemble effectivement à un « bâton à images ». En réalité, il s’agit tout simplement d’une catégorie des nombreuses croix qui jalonnaient les chemins ruraux dès la fin du Moyen Age, et qui ne peuvent se concevoir que si l’on se replace dans le contexte de la foi religieuse, vivante et sincère, de l’époque.
Cette ferveur religieuse est du reste ravivée par le climat d’insécurité, voire d’angoisse, consécutif aux famines, épidémies de peste et guerres incessantes, la seule source d’espoir consistant à s’en remettre à Dieu, soit pour éviter les fléaux, soit pour le remercier d’y avoir échappé. C’est ce qui explique pourquoi la grande majorité de bildstocks a été érigée par des particuliers fortunés aux alentours de la Guerre de Trente Ans, particulièrement atroce ; Mais on en a construit à toutes les époques (voir ci-dessous : « l’exemple de Kœnigsmacker »), toujours à des moments d’incertitude : les premiers datent du XIVème siècle ; au XVIIIème siècle, leur forme est quelque peu différente ; ils connaissent un regain d’intérêt au XIXème siècle.
A l’instar des vitraux des cathédrales, pour suppléer au fait que le grande majorité de la population ne savait pas lire, les bildstocks représentent un témoignage parmi d’autres de l’imagerie chrétienne populaire héritée du Moyen Age : la crucifixion, symbole de Rédemption, est largement majoritaire ; la représentation de Saint Pierre, dont les clés ouvrent la porte du paradis, figure en bonne place ; vient ensuite le cortège de tous les saints, dont les figures sont en général accompagnées de leur symbole.
2 vagues de bildstock : l’exemple de Koenigsmacker
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Angle Rue des tilleuls
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Vue latérale gauche
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A droite St Nicolas
Ci-dessus, un bildstock classique (vue 1), représentant la crucifixion, qui se trouve dans la localité même sur la route principale, au niveau de la rue des Tilleuls. Il date très probablement du XVIème siècle. La niche gauche (vue 2) représente le donateur agenouillé devant un saint. S’agit-il de saint Roch, particulièrement associé à la peste ? Rien n’est moins sûr. Dans la niche droite (vue 3), on reconnaît sans problème saint Nicolas et les 3 enfants dans le saloir.
De facture différente, le calvaire-bildstock ci-dessous se trouvant à la sortie du village, sur la route d’Elzange date de 1853. La niche gauche représente Sainte Anne.
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Sainte Anne
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Route d’Elzange
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La niche avant
Quelques autres exemples de bildstocks de la basse vallée de la Canner
ELZANGE (intersection rue des lilas et rue du moulin)
A gauche, sainte Catherine et la roue, symbole de son martyre, vient de frapper l’empereur Maximien de son épée.
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Ste Catherine
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Elzange
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St Pierre
A droite apparaissent les cheveux bouclés de saint Pierre, représenté, comme le veut la tradition, avec les clés du Royaume.
INGLANGE (rue principale)
La face gauche est consacrée à saint Michel, le patron de la paroisse, reconnaissable à ses ailes déployées et à sa lance tenant le dragon à sa merci.
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St Michel
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Inglange
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St Nicolas
Sur la face avant, nous retrouvons saint Nicolas, et, à ses pieds, le légendaire saloir, d’où émergent 3 petites têtes.
HACKENBERG (route forestière vers la chapelle)
On y trouve 3 bildstocks, qui seraient des croix de mission, érigées par des donateurs de Budling, Helling et Veckring pour les cérémonies mettant fin à des périodes d’évangélisation. Ci-dessous, il s’agit du premier que l’on rencontre en montant vers la chapelle, celui de Budling, daté de 1627.
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La pesée des âmes
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Le martyre de St Sebastien
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Évêque anonyme
A gauche nous voyons la pesée des âmes par saint Michel, au Jugement Dernier ; sur le devant (au centre) le sculpteur a représenté le martyre de saint Sébastien.; à droite, c’est une figure d’évêque anonyme.
Pour ceux qui seraient intéressés par le sujet, nous ne pouvons que leur recommander la lecture du superbe ouvrage de Guy Blaise « Les BILDSTOCKS, des chefs-d’œuvre inconnus » paru aux éditions SERPENOISE en 2001. L’auteur, médecin de son état, est un passionné et un grand connaisseur de la question.