La vallée de la Canner au Moyen Age... Amateurs de casse-tête, vous êtes ici dans votre élément !
Reconstituer de façon précise la configuration de la vallée de la Canner au Moyen Age relève de l’impossible exploit, pour diverses raisons, qui tiennent d’abord à l’organisation féodale de la société : le vassal était au service d’un ou de … plusieurs suzerain(s), qui étaient eux-mêmes vassaux de seigneurs plus puissants. A cette complexité des rapports sociaux, correspond un extrême morcellement des terres, dont les limites fluctuent au gré des mariages et reposent souvent plus sur la force que sur le droit. Ajoutez à cela le manque de fiabilité des rares documents qui nous sont parvenus, et vous comprendrez aisément que la reconstitution ne peut reposer que sur des recoupements et des conjectures.
En nous cantonnant dans la partie comprise entre Kédange et Kœnigsmacker, nous sommes néanmoins en mesure de dégager les grandes lignes de partage, qui recoupent grossièrement la division actuelle des villages.
Ainsi Kœnigsmacker est un ancien domaine royal donné par l’empereur du Saint Empire Romain Germanique Henri IV au chapitre Sainte Madeleine de Verdun en 1065, qui le cède à l’abbaye Saint Matthias de Trèves en 1209, en échange d’un domaine près d’Etain. L’abbaye de Villers Bettnach, la Chartreuse de Rettel et d’autres en possèdent de petites parcelles.
L’histoire des autres villages est plus mal connue. Pour Elzange, les historiens hésitent entre une possession du duché de Lorraine et une terre luxembourgeoise de la prévôté de Thionville, le domaine dépendant administrativement de l’abbaye de Villers Bettnach. Pour Inglange, le premier document fiable, daté de 1050, est un acte de donation de la comtesse Mathilde, belle sœur du pape Léon IX, en faveur de l’abbaye de Hesse, près de Sarrebourg ; on sait également qu’en 1277, le seigneur de Férange (près de Bouzonville) donne à l’abbaye de Villers Bettnach une terre qu’il possède à Inglange. Pas de certitudes non plus en ce qui concerne le domaine de Kédange, dont la paroisse dépend de l’abbaye Saint Arnould de Metz jusqu’au milieu du XVème siècle, avant de passer sous le contrôle de la Chartreuse de Rettel jusqu’à la Révolution.
Nous avons vu qu’il n’était pas aisé de trouver des renseignements précis sur les seigneuries de la basse vallée de la Canner au Moyen Age. La seigneurie de Bousbach – Hackenberg, qui regroupe les villages de Budling, Buding, Veckring, Helling et Elzing, n’échappe pas à la règle, bien que l’histoire y soit un peu moins avare de documents.
Le premier est très précisément daté du 10 juillet 1002 : Henri II, roi de « Francie Orientale », qui deviendra empereur du Saint Empire Romain Germanique en 1014, donne un fief de « sex mansos regales in villa Buobach […] sitos » (c’est-à-dire : 6 manses du territoire royal situées dans le domaine de Bousbach, une « manse » représentant à peu près 10 hectares de champs, prés, vignes et forêts) à un chevalier méritant du nom de Gezo. Sa descendance est inconnue, et dès le XIIème siècle apparaît la lignée de Valcourt. C’est de cette époque reculée que date l’édification du château de Bousbach près de Budling, qui sera détruit lors de la Révolution.
Mais la famille de Valcourt n’est pas la seule citée et il est probable que la seigneurie ait été morcelée. Au début du XIVème siècle y apparaissent les noms de Waha, qui par héritage sans doute transmettent leurs possessions aux Neumagen ; en proie à des problèmes financiers, Jean de Neumagen engage ses terres à Jean de Perl, issu de la maison de Sierck, qui possédait déjà des terres à Veckring.
Nouveau hiatus historique. En 1427, nous trouvons Guillaume Ier de Puttelange comme seigneur de Hackenberg ; il laisse la place, par héritage, à Fulko d’Ellentz, dont la fille épouse Henri de Varsberg, qui prend possession des lieux.
La liste n’est ni close, ni exhaustive. L’exemple de la seigneurie de Bousbach – Hackenberg, qui n’a presque jamais été véritablement unifiée, montre l’extrême difficulté à se retrouver dans les limites territoriales au Moyen Age.